NOUVEL EMPIRE D'HAÏTI
Constitution du 20 mai 1805.
Déclaration préliminaire.
De l'Empire.
Du Gouvernement.
Du Conseil d'État.
Des ministres.
Des tribunaux.
Du culte.
De l'administration.
Dispositions générales.
L'indépendance d'Haïti est proclamée le 1er janvier 1804. Jean-Jacques Dessalines, ancien esclave, devenu chef des troupes insurgées après la capture de Toussaint Louverture, et qui avait vaincu les troupes françaises, commandées par Rochambeau, à Vertières, le 18 novembre 1803, est aussitôt proclamé gouverneur général à vie, avec les pleins pouvoirs. Dès le 15 février suivant, il demande le titre d'empereur, qui lui est décerné par les autres généraux de l'armée haïtienne. Une Constitution impériale est promulguée le 20 mai 1805. Le règne de Jacques 1er sera bref. Il est assassiné le 17 octobre 1806. L'Empire ne lui survit pas. Ses principaux lieutenants se disputent la succession, sur fond d'opposition entre Noirs et Mulâtres, les premiers reprochant aux seconds de s'être appropriés les biens de leurs parents blancs. Henri Christophe devient président, puis roi au Nord, tandis que Pétion est président au Sud.
Sources : Louis-Joseph Janvier, Les Constitutions d'Haïti, Paris, Marpon et Flammarion, 1886. Thomas Madiou, Histoire d'Haïti, Port-au-Prince, 1848, tome III, p. 489 et s.
Nous, Henry Christophe, Clervaux, Vernet, Gabart, Pétion, Geffrard, Toussaint Brave, Raphaël, Lalondrie, Romain, Capoix, Magny, Cangé, Daut, Magloire Ambroise, Yayou, Jean-Louis François, Gérin, Moreau, Férou, Bazelais, Martial Besse,
Tant en notre nom particulier, qu'en celui du peuple d'Haïti qui nous a légalement constitués les organes fidèles et les interprètes de sa volonté,
En présence de l'Être Suprême, devant qui les mortels sont égaux, et qui n'a répandu tant d'espèces de créatures différentes sur la surface du globe, qu'aux fins de manifester sa gloire et sa puissance, par la diversité de ses oeuvres,
En face de la nature entière dont nous avons été si injustement et depuis si longtemps considérés comme les enfants réprouvés,
Déclarons que la teneur de la présente Constitution est l'expression libre, spontanée et invariable de nos cœurs et de la volonté générale de nos constituants,
La soumettons à la sanction de Sa Majesté l'empereur Jacques Dessalines, notre libérateur, pour recevoir sa prompte et entière exécution.
Déclaration préliminaire.
Article premier.
Le peuple habitant l'île ci-devant appelée Saint-Domingue, convient ici de se former en État libre, souverain et indépendant de toute autre puissance de l'univers, sous le nom d'Empire d'Haïti.
Article 2.
L'esclavage est à jamais aboli.
Article 3.
Les citoyens haïtiens sont frères entre eux ; l'égalité aux yeux de la loi est incontestablement reconnue, et il ne peut exister d'autre titre, avantages ou privilèges, que ceux qui résultent nécessairement de la considération et en récompense des services rendus à la liberté et à l'indépendance.
Article 4.
La loi est une pour tous, soit qu'elle punisse, soit qu'elle protège.
Article 5.
La loi n'a point d'effet rétroactif.
Article 6.
La propriété est sacrée, sa violation sera rigoureusement poursuivie.
Article 7.
La qualité de citoyen d'Haïti se perd par l'émigration et par la naturalisation en pays étranger, et par la condamnation à des peines afflictives et infamantes. Le premier cas emporte la peine de mort et la confiscation des propriétés.
Article 8.
La qualité de citoyen haïtien est suspendue par l'effet des banqueroutes et faillites.
Article 9.
Nul n'est digne d'être Haïtien, s'il n'est bon père, bon fils, bon époux, et surtout bon soldat
Article 10.
La faculté n'est point accordée aux pères et mères de déshériter leurs enfants.
Article 11.
Tout citoyen doit posséder un art mécanique
Article 12.
Aucun blanc, quelle que soit sa nation, ne mettra le pied sur ce territoire, à titre de maître ou de propriétaire et ne pourra à l'avenir y acquérir aucune propriété.
Article 13.
L'article précédent ne pourra produire aucun effet tant à l'égard des femmes blanches qui sont naturalisées haïtiennes par le gouvernement, qu'à l'égard des enfants nés ou à naître d'elles. Sont compris dans les dispositions du présent article, les Allemands et Polonais naturalisés par le gouvernement.
Article 14.
Toute acception de couleur parmi les enfants d'une seule et même famille, dont le chef de l'État est le père, devant nécessairement cesser, les Haïtiens ne seront désormais connus que sous la dénomination génériques de Noirs.
De l'Empire.
Article 15.
L'Empire d'Haïti est un et indivisible ; son territoire est distribué en six divisions militaires.
Article 16.
Chaque division militaire sera commandée par un général de division
Article 17.
Chacun de ces généraux de division sera indépendant des autres, et correspondra directement avec
l'empereur ou avec le général en chef nommé par Sa Majesté.
Article 18.
Sont parties intégrantes de l'Empire les îles ci-après désignées : Samana, la Tortue, la Gonâve, les Cayemites, l'île à Vache, la Saône, et autres îles adjacentes.
Du Gouvernement.
Article 19.
Le gouvernement d'Haïti est confié à un premier magistrat qui prend le titre d'empereur et Chef suprême de l'armée.
Article 20.
Le peuple reconnait pour Empereur et Chef suprême de l'armée, Jacques Dessalines, le vengeur et le libérateur de ses concitoyens ; on le qualifie de Majesté ainsi que son auguste épouse l'impératrice.
Article 21.
La personne de Leurs Majestés est sacrée et inviolable.
Article 22.
L'État accordera un traitement fixe à Sa Majesté l'impératrice dont elle jouira même après le décès de l'empereur, à titre de princesse douairière.
Article 23.
La couronne est élective et non héréditaire.
Article 24.
Il sera affecté, par l'État, un traitement annuel aux enfants reconnus par Sa Majesté l'empereur.
Article 25.
Les enfants mâles reconnus par l'empereur seront tenus, à l'instar des autres citoyens, de passer successivement de grade en grade, avec cette seule différence que leur entrée au service datera dans la quatrième demi-brigade de l'époque de leur naissance.
Article 26.
L'Empereur désigne son successeur et de la manière qu'il le juge convenable, soit avant, soit après sa mort.
Article 27.
Un traitement convenable sera fixé par l'État à ce successeur, au moment de son avènement au trône.
Article 28.
L'Empereur, ni aucun de ses successeurs, n'aura le droit, dans aucun cas, et sous quelque prétexte que ce soit, de s'entourer d'un corps particulier et privilégié à titre de garde d'honneur, ou sous toute autre dénomination.
Article 29.
Tout successeur qui s'écartera des dispositions du précédent article ou de la marche qui lui aura été tracée par l'empereur régnant, ou des principes consacrés par la présente Constitution, sera considéré et déclaré en état de guerre contre la société. En conséquence, les conseillers d'État s'assembleront, à l'effet de prononcer sa destitution, et de pourvoir à son remplacement par celui d'entre eux qui en aura été jugé le plus digne, et s'il arrivait que ledit successeur voulût s'opposer à
l'exécution de cette mesure, autorisée par la loi, les généraux conseillers d'État feront un appel au peuple et à l'armée, qui de suite leur prêteront main-forte et assistance pour maintenir la liberté.
Article 30.
L'Empereur fait, scelle et promulgue les lois, nomme et révoque, à sa volonté, les ministres, le général en chef de l'armée, les conseillers d'État, les généraux et autres agents de l'Empire, les officiers de l'armée de terre et de mer, les membres des administrations locales, les commissaires du gouvernement près les tribunaux, les juges et autres fonctionnaires publics.
Article 31.
L'Empereur dirige les recettes et dépenses de l'État, surveille la fabrication des monnaies ; lui seul en ordonne l'émission, en fixe le poids et le type.
Article 32.
A lui seul est réservé le pouvoir de faire la paix ou la guerre, d'entretenir des relations politiques et de contracter au dehors.
Article 33.
Il pourvoit à la sûreté intérieure et à la défense de l'État, distribue les forces de terre et de mer suivant sa volonté.
Article 34.
L'Empereur, dans le cas où il se tramerait quelque conspiration contre la sûreté de l'État, contre la Constitution ou contre sa personne, fera de suite arrêter les auteurs ou complices, qui seront jugés par un conseil spécial.
Article 35.
Sa Majesté seule a le droit d'absoudre un coupable ou de commuer sa peine.
Article 36.
L'Empereur ne formera jamais aucune entreprise dans la vue de faire des conquêtes ni de troubler la paix et le régime intérieur des colonies étrangères.
Article 37.
Tout acte public sera fait en ces termes : « L'Empereur d'Haïti et le chef suprême de l'armée, par la grâce de de Dieu et la loi constitutionnelle de l'État. »
Du Conseil d'État.
Article 38.
Les généraux de division et de brigade sont membres-nés du conseil d'État et le composent.
Des ministres.
Les couleurs nationales sont noires et rouges.
Article 21.
L'agriculture, comme le premier, le plus noble et le plus utile de tous les arts, sera honorée et protégée.
Article 22.
Le commerce, seconde source de la prospérité des États, ne veut et ne connaît point d'entraves.
Il doit être favorisé et spécialement protégé.
Article 23.
Dans chaque division militaire, un tribunal de commerce sera formé, dont les membres seront choisis par l'empereur, et tirés de la classe des négociants.
Article 24.
La bonne foi, la loyauté dans les opérations commerciales seront religieusement observées.
Article 25.
Le gouvernement assure sûreté et protection aux nations neutres et amies qui viendront entretenir avec cette île des rapports commerciaux, à la charge par elles de se conformer aux règlements, us et coutumes de ce pays.
Article 26.
Les comptoirs, les marchandises des étrangers seront sous la sauvegarde et la garantie de l'État.
Article 27.
Il y aura des fêtes nationales pour célébrer l'Indépendance, la fête de l'empereur et de son auguste Épouse, celle de l'Agriculture et de la Constitution.
Article 28.
Au premier coup de canon d'alarme, les villes disparaissent et la nation est debout.
***
Nous, mandataires soussignés, mettons sous la sauvegarde des magistrats, des pères et mères de famille, des citoyens et de l'armée, le pacte explicite et solennel des droits sacrés de l'homme et des devoirs du citoyen ;
La recommandons à nos neveux, et en faisons hommage aux amis de la liberté, aux philanthropes de tous les pays, comme un gage signalé de la bonté divine, qui, par suite de ses décrets immortels, nous a procuré l'occasion de briser nos fers et de nous constituer en peuple libre, civilisé et indépendant.
Et avons signé, tant en notre nom privé qu'en celui de nos commettants.
Signé : H. Christophe, Clervaux, Vernet, Gabart, Pétion, Geffrard, Toussaint-Brave, Raphaël, Lalondrie, Romain, Capoix, Magny, Cangé, Daut, Magloire Ambroise, Yayou, Jean-Louis François, Gérin, Moreau, Férou, Bazelais, Martial Besse.
Présentée à la signature de l'Empereur, la Constitution de l'Empire fut sanctionnée par lui.
Vu la présente Constitution,
Nous, Jean Jacques Dessalines, Empereur Ier d'Haïti et chef suprême de l'armée, par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle de l'État,
L'acceptons dans tout son contenu, et la sanctionnons, pour recevoir, sous le plus bref délai, sa pleine et entière exécution dans toute l'étendue de notre empire ;
Et jurons de la maintenir et de la faire observer dans son intégrité jusqu'au dernier soupir de notre vie.
Au Palais impérial de Dessalines, le 20 mai 1805, an II de l'Indépendance d'Haïti, et de notre règne le premier.
Signé:
Par l'Empereur : Jean Jacques Dessalines
Le Secrétaire général
: Juste Chanlatte.
Par le Nouveau Roi: Junior Jules
HAÏTI VILLE DE L’ÉTERNEL DES ARMÉES
MON DIEU , MON BOUCLIER ET MON ÉPÉE
AMEN! AMEN! AMEN!